Notes, glossaire et bibliographie

Note 1 : La rédaction de l'article était achevée lorsqu'est paru le Traité du Rythme - Des vers et des proses de Henri Meschonnic et Gérard Dessons. Les auteurs m'avaient averti de sa publication pour le mois de mai 1998. J'ai donc apporté de légères modifications. Je livre cependant mon texte dans son état, ici et maintenant. Le Traité du Rythme répond aux questions que j'ai pu soulever. Je ne peux qu'y renvoyer le lecteur. Certaines de mes critiques me semblent toutefois encore opérantes.

Note 2 : " Comme la linguistique est la science globale des structures linguistiques, la poétique peut être considérée comme faisant partie intégrante de la linguistique. ", Essais de linguistique générale, tome 1, éd. de Minuit, 1963, p. 210.

Note 3 : Expression tirée de Politique du Rythme, politique du sujet, p. 129. Je signalerai désormais cet ouvrage par PR, PS. Les précisions bibliographiques (dates, éditions) de chaque ouvrage de Henri Meschonnic ainsi que ses abréviations sont données en fin d'article. Enfin, les astérisques* signalent les termes qui chez lui font l'objet d'une redéfinition et sont précisés au glossaire.

Note 4 : Dans Problèmes de linguistique générale, tome 1, Gallimard, coll. Tel, 1966.

Note 5 : Respectivement : Cohen, Structure du langage poétique, Flammarion, 1966 ; Genette, " Langage poétique, poétique du langage " dans Figures 2, Seuil, coll. Tel Quel, 1969 ; Vinogradov, " Les Tâches de la stylistique " in Théorie de la littérature, textes des formalistes russes, trad. T. Todorov, Seuil, coll. Tel Quel, 1965, p. 111 ; Kleiber : " Métaphore : le problème de la déviance " in Les Figures de rhétorique et leur actualité en linguistique, Langue française, n° 101, Larousse, 1993, p. 37.

Note 6 : La citation exacte est " Sur le pont à la même heure, / Ainsi la rosée à tête de chatte se berçait. " (Au regard des divinités), Oeuvres Complètes, tome 1, Bibliothèque de la Pléiade, 1988, p. 172.

Note 7 : Postface à La Plaisanterie, éd. Gallimard, 1968 ; traduction française révisée en 1980 ; 1985 pour la traduction française définitive et la note de l'auteur. On sait qu'entre 1985 et 1987, l'écrivain tchèque a revu la totalité des traductions de ses romans pour les mêmes raisons.

Note 8 : Cependant, supposer que la monosémie est une propriété essentielle du discours scientifique, comme le fait Meschonnic, relève d'une illusion symétrique : " Quant au discours strictement univoque, peut-il exister ailleurs que dans les terminologies (la prose “scientifique”), et le discours didactique ? " (PP1, p. 132). Si les terminologies impliquent en effet une restriction des possibilités sémantiques d'un terme pour un emploi délimité, opérant seulement dans un système discursif particulier (un terme identique n'est pas le même chez Kant et chez Hegel), les proses scientifiques et didactiques tendent vers la monosémie mais sont également susceptibles de polysémie. L'antanaclase interne ou externe, la double acception des construction génitives (par exemple, critique du rythme), les métaphores pédagogiques peuvent même organiser une démonstration. Dès lors, la scientificité d'un discours ne peut pas reposer sur le simple critère monosémique mais sur la valeur des termes employés. Le couple monosémie / polysémie ne permet pas de penser le langage. On reprend ce problème plus loin dans Pensée, argumentation et oralité.

Note 9 : Clarté qui se situe davantage sur le plan du discours que sur le plan de la langue.

Note 10 : On peut se demander si ce qui a longtemps tenu les mots-outils hors du champ de la poéticité n'est pas lié à une collusion entre la pensée rhétorique de l'écriture et les réflexions grammaticales ou linguistiques d'une époque. Par exemple, au XVIIème siècle, on débat du rôle des connecteurs, des conjonctions (subordonnantes ou liantes) à partir des catégories aristotéliciennes : onomata (les noms) , rhemata (les verbes), arthron (l'articulation), syndesmon (la conjonction). Cette approche logiciste fait des éléments de connexion du discours des unités facultatives par rapport aux séquences de sens pleines et autonomes.

Note 11 : Emile Benveniste a depuis longtemps soulevé ce problème. Je renvoie à " Sémiologie de la langue " in Problèmes de linguistique générale, tome 2, Gallimard, coll. Tel, 1974.

Note 12 : Exemple tiré du Séminaire de poétique de Henri Meschonnic donné en avril-juillet 1996 à l'université Paris VIII Vincennes / Saint-Denis : Etat présent de la-question-du-sujet. Les barres obliques / marquent les césures. Conformément à ce que j'ai établi au glossaire, les x notent les brèves (pour le latin ou le grec), les inaccentuées pour le français. L'exemple est repris de façon elliptique par l'auteur dans PR, PS, p. 461.

Note 13 : Je renvoie sur ce point à l'élaboration la plus précise et la plus systématique, celle de Genette, Palimpsestes, Seuil, coll. Poétique, 1982.

Note 14 : Kenneth Burke est né en 1897. Il est l'auteur de Permanence and Change (1935), The Philosophy of literary form : studies in symbolic action (1941), Grammar of Motives (1945), A Rhetoric of motives (1950)... Il n'est pas encore traduit en France.

Note 15 : En renvoyant par économie dans EP (p. 121) à l'article de Michel de Fournel, " Rythme & pragmatique du discours : l'écriture pratique de René Char ", Langue française, n°56, Meschonnic se débarrasse hâtivement du problème. Il ouvre et ferme les possibilités d'une démonstration.

Note 16 : Acte et personne dans l'argumentation in Rhétoriques, Editions de l'université de Bruxelles, 1989, p. 263.

Note 17 : Rien d'étonnant alors à ce que l'auteur accorde de l'importance à la notion d'energeia (Thätigheit) chez Humboldt qui l'opposait à l'ergon (Werke), le produit, distinction que l'on peut reporter à l'interface énoncé / énonciation. L' energeia traduit bien cette idée du faire, de l'activité, de la parole vivante et concrète d'un sujet. Cf. PHA, p. 34. Et plus largement, " Humboldt ou le sens du langage " in SP, pp. 123-139. D'où l'intérêt récent que Meschonnic porte à Isaac Vossius, auteur en latin du De poematum cantu et viribus rythmi (Oxford, 1673) qu'il " faudrait redécouvrir " (TRVP, note 1, p. 114).

Note 18 : Voir en particulier la dernière partie de L'Art d'argumenter, Paris, Editions Universitaires, 1992.

Note 19 : Rhétorique de la poésie, Bruxelles, Editions Complexe, 1977.

Note 20 : Pour une analyse globale de Tel Quel, voir PP2, pp. 71-123

Note 21 : Exemples tirés des Poèmes et France la Doulce.

Note 22 : Editions de l'université de Bruxelles, 1ère édition en 1950 (1992).

Note 23 : Introduction à la Rhétorique d'Aristote, p. 9, Le Livre de poche, 1991.

Note 24 : La démonstration scientifique prend modèle, on le sait, sur la démonstration mathématique. Mais la science mathématique comme l'a montré Wittgenstein a sa propre fondation historique : elle est le produit d'hommes, de sujets historiquement situés. Croire que les vérités existent absolument indépendamment du sujet et de son discours est une forme d'idéalisme. La reconnaissance des facteurs rhétoriques et poétiques d'une pensée n'en probabilise pas les vérités mais en déplace les analyses, les concepts dont elles sont le produit. Ce nouveau regard sur la pensée affecte les “intentions” même d'un penseur. Ainsi, il me paraît impossible de faire la dissociation que propose Meschonnic, par exemple, dans son étude de la Critique de l'économie politique du signe de Jean Baudrillard au sujet duquel il écrit : " Pour ce qu'il présente d'exemplaire, par ses concepts et par sa stratégie, non pour ses intentions, on en essaie, fragmentairement, l'analyse. " (SP, p. 283 ; c'est moi qui souligne). L'étude même fragmentaire déplace l'ensemble.

Note 25 : Dans Critique et Clinique, Gilles Deleuze contre-argumentait ironiquement : " La nouvelle nous est parvenue que pas une étymologie de Heidegger, pas même Léthé et Alethès, n'était exacte. Mais le problème est-il bien posé ? Tout critère scientifique n'a-t-il pas été d'avance répudié, au profit d'une pure et simple Poésie ? On croit bon de dire qu'il n'y a là que des jeux de mots. Ne serait-il pas contradictoire d'attendre une quelconque correction linguistique d'un projet qui se propose explicitement de dépasser l'étant scientifique et technique vers l'étant poétique ? Il ne s'agit pas d'étymologie à proprement parler, mais d'opérer des agglutinations dans l'autre-langue pour obtenir des surgissements de la-langue. " (éd. de Minuit, coll. Paradoxe, 1993, p. 123). Mais, à son tour, Deleuze a-t-il bien lu Le Langage Heidegger ? L'accumulation de questions oratoires qui valent des affirmations (même prudentes), l'hypostase à majuscule " simple Poésie ", les métaphores telles " surgissements ", " agglutinations " ne constituent pas une réponse claire et sensée. La reprise de la terminologie heideggérienne " étant ", " projet ", du style à tiret " l'autre-langue ", " la-langue " rhétoricise la contre-réfutation. Deleuze tombe exactement dans le défaut que Meschonnic stigmatise dans LLH, à savoir la lecture immanente jusqu'au mimétisme (réactualisation des tics du Maître), qui empêche toute attitude critique à l'égard des rapports entre langue, langage et pensée chez Heidegger. Plus épigone que moi, tu meurs. Même si la pensée prétend " dépasser " (lexique très hégélien) le plan scientifique, il n'empêche que la poésie est une idée de la poésie. Chez Heidegger, elle est essence, mais cette essence n'est qu'une représentation parmi d'autres de la poésie qui se dénie en tant que représentation. Meschonnic a montré que du tableau au poème, Heidegger ne saisissait que des référents, des choses sans égard à leur transformation. Il est dans l'énoncé et non dans l'énonciation, dans le représenté et non dans la représentation. Cf. LLH, pp. 364-381. Son idée de la poésie est une ignorance de la poésie au sens de pratique empirique de la poésie. Il parle donc de tout autre chose. Mais alors quelle légitimité accorder aux rapprochements avec Char et aux commentaires sur Hölderlin ?

Note 26 : Pour une poétique d'un rapport entre langue et philosophie : le latin de Spinoza. Intervention orale du 11 juin 1996 dans le cadre du Séminaire de l'école doctorale de Paris VIII, cycle Crise et critique du langage, journée consacrée à " Et “le génie des langues ?” ". J'ignore si l'auteur a fait paraître son étude en périodique.

Note 27 : Dans Figura, Paris, coll. L'extrême contemporain, Belin, 1991. Il n'est pas inintéressant de rappeler son lieu de publication : la collection de Michel Deguy.

Note 28 : Ce problème ne semble d'ailleurs pas perturber outre mesure certains spécialistes. Ainsi Georges Molinié qui affirme en introduction à son Dictionnaire de rhétorique : " Il ne saurait se déployer la moindre action rhétorique entre des personnes d'univers culturels réciproquement étrangers. " (p. 6, éd. déjà citée), ce qui présuppose le culturel avant le rhétorique ou leur concomitance mais non une relation structurelle, que montre précisément Kenneth Burke. Cette douteuse acceptation idéologique révèle l'aseptisation de l'esprit critique, désaffection qui est une soumission à la politique de la rhétorique. D'où certaines constipations ethnocentristes actuelles ou les idéologies nationalistes clairement affichées. Voyez le cas clinique de Marc Fumaroli.

Note 29 : Oeuvres Poétiques, tome II, éd. J. Streicher, Genève & Paris, Droz / Minard, 1958, p. 36.

Note 30 : Comme dans ce passage du Retour au désert de Bernard-Marie Koltès :

-Adrien : Tu as voulu fuir la guerre et, tout naturellement, tu es venue vers la maison où sont tes racines [...]

-Mathilde : Mes racines ? Quelles racines ? Je ne suis pas une salade. "

Dérision du cliché idéologique, du discours de la terre comme patrie ou nation. L'écriture koltésienne est du côté métèque.

Note 31 : Cité par Henri Morier dans son Dictionnaire de poétique et de rhétorique, P.U.F, 1989, p. 450.

Note 32 : Dans Théorie traditionnelle et théorie critique, coll. Tel, Gallimard, 1974, p. 78.

 

GLOSSAIRE

ATTAQUE CONSONANTIQUE : " Dans l'attaque consonantique, la consonne s'accroît en durée et intensité, mais non la voyelle : ne pas confondre consonne initiale et syllabe, intensité et durée. " (PP1, p. 73). C'est, par exemple, le cas de " tous " au vers 148 de Vendémiaire d'Apollinaire :

On parle aussi d'attaque vocalique (cf. PP3, p. 283) . Ainsi du / o / dit lyrique comme dans ce passage de Cahier d'un retour au pays natal d'Aimé Césaire :

Ici, la syllabe s'identifie à la voyelle, ce qui n'est pas le cas pour une consonne puisqu'elle doit être nécessairement accompagnée d'une voyelle pour former une syllabe, sauf pour les consonnes sonnantes du type " Mmm... " ou " Pstt... ". L'attaque vocalique est un phénomène décrit par les phonéticiens comme une occlusion glottale ou " coup de glotte ". Il n'est pas de nature phonologique mais articulatoire. Il joue cependant un rôle prosodique : " sa présence ou absence induisent des effets de signification dans la production des discours " (TRVP, p. 142).

CONTRE-ACCENT : on note conventionnellement par le signe — les accentuées et par les inaccentuées. Je remplace le signe par x . Du fait du rythme des timbres et des positions des accents syntaxiques, réalisations de discours et non de langue, il s'engendre des phénomènes d'intensité rythmique appelés contre-accent. Notion d'abord empruntée à Henri Morier, le contre-accent est " une suite immédiate de deux accents " très marquée en français parce que " la séquence progressive, linéaire, dans une langue à accent (final) de groupe, éloigne généralement les accents l'un de l'autre. " (CR, p. 254). On en distingue quatre figures principales :

Les barres obliques marquent les phénomènes d'intensité ; la courbe signale la jonction entre les accents, l'aspect continu des phénomènes rythmiques. La multiplication des barres obliques / // /// " note l'accroissement cumulatif " (EH1, note 1, p. 166). C'est ainsi qu'on peut trouver de véritables plateaux contre-accentuels comme dans ce vers des Contemplations :

 Par économie typographique et pour faciliter le travail des éditeurs, j'adopterai la notation proposée par le Traité du Rythme. Au lieu de graphier les barres obliques / // ///, on notera par des chiffres l'accroissement d'intensité. Ainsi :

On aura donc ici de multiples modifications, les x au lieu des   ; les chiffres au lieu des barres obliques ; l'absence du signe de pontage . Ces modifications sont liées au support Web et à des problèmes de lisibilité.

ECRITURE : notion qui s'oppose à celle de littérature. Cette distinction prend en compte l'acte fondateur de Roland Barthes dans Le Degré zéro de l'écriture. La littérature est " le produit de l'écriture lu et transformé par l'idéologie " (PP1, p . 177). C'est un modèle, une idée préétablie de l'écriture par ce qui a déjà été écrit. L'écriture, au contraire, se définit comme production dans le langage de formes-valeurs ou formes-sujets : " un vivre-dire impliquant pour le je de l'écriture, l'effet de l'écriture sur le je ", pratique empirique du langage, " condition de la littérarité, elle est continue à la lecture. " (p. 176).

HISTORICITE : désigne le caractère historique d'une chose. L'historicité s'oppose à l'historicisme, réduction du sens aux conditions historiques de production du sens. L'historicité suppose l'historicisme mais ne s'y limite pas. Comme caractère historique d'un texte, le terme renvoie bien sûr à la situation des éléments nommés et référenciés dans le discours. Elle est marquée dans l'énoncé. Mais l'historicité radicale du langage comme principe de fonctionnement de tout discours est " le discours qui se réfère au discours et se construit de cette référence. Elle est le système et son fonctionnement. " (EH1, p. 219). Enfin, elle est irréductible à la chronologie et c'est pourquoi l'oeuvre se détourne de sa date, elle est ce travail de l'énonciation dans un temps qui rend l'énonciation irréductible à ce temps : " l'historicité de l'énonciation est plus que la datation d'un langage ... Externe en ce qu'elle est état de langue, état de poésie, de littérature, de culture ; interne par rapport à son propre cheminement, à son propre temps. " (id.)

ORALITE : ne pas confondre l'oralité avec le parlé, essentiellement lié à l'acte de phonation. L'oralité se définit comme le primat du rythme et de la prosodie. Elle se réalise autant dans le parlé que dans l'écrit. Cf. CR, pp. 273-296 ; EP, pp. 93-133 ; RV, pp. 235-291 et TV.

POEME : désigne autant Les Liaisons dangereuses que Fureur et Mystère.

PROSODIE : organisation consonantique et vocalique du discours. La nature d'un timbre compte moins que son caractère organisé et organisateur. Les timbres par leur contiguïté, leur fréquence, leur répétition engendre des phénomènes d'intensité. On parle alors d'accent prosodique. Ce sont des éléments du rythme.

RYTHME : ne relève pas d'une systématique de la régularité - fait essentiel de la métrique (mesure, périodicité, isochronie...) Le rythme se définit comme " l'organisation du mouvement de la parole dans le langage par un sujet, et d'un sujet par son langage " (PR, PS, p. 14), l'organisation accentuelle continue du discours, " des marques par lesquelles les signifiants linguistiques et extralinguistiques (dans le cas de la communication orale surtout) produisent une sémantique spécifique, distinct du sens lexical ... Ces marques se situent à tous les “niveaux” du langage : accentuelles, prosodiques, lexicales, syntaxiques. Elles constituent ensemble une paradigmatique et une syntagmatique qui neutralisent précisément la notion de niveau. " (CR, p. 217). Le rythme est présent dans le vers comme dans la prose. Il est d'abord linguistique lié à l'accent (de groupe, en français, et fondé sur le syllabisme) ; il repose sur l'organisation des phonèmes (cf. prosodie). Enfin, il inclut les phénomènes intonatifs, l'accent intellectuel, émotif. Les éléments rythmiques d'intensité les plus remarquables sont les contre-accents.

SIGNE (anthropologie duelle) : s'oppose à l'anthropologie du sujet et du rythme, essentiellement historique. Celle du signe est ahistorique, tournée vers le cosmique et le sacré (cf. SP). Le signe est le dénominateur commun d'une série de dualismes. Le doublet linguistique (signifiant / signifié) est le modèle de cinq autres paradigmes, tous liés, non hiérarchiquement sinon selon le point de vue privilégié, mais structurellement : a) anthropologique : opposition corps / âme, vie / langage, nature / culture ; b) philosophique : mots vs choses, origine vs convention ; c) théologique : la binarité chrétienne entre l'Ancien Testament et le Nouveau Testament ; d) social : l'individu opposé à la société ; e) politique : l'antithèse majorité / minorité. Paradigmes où les termes entretiennent des rapports discontinus ou dialectiques. Dans ce dernier cas, le processus dialectique tourne au profit de l'un des termes de l'antinomie initiale qui finit par dominer. Il substitue à la diversité une unité réductrice . A cette discontinuité, on oppose une pensée du continu qui implique le multiple et le pluriel. Cf. PR, PS, pp. 114-125.

SIGNIFIANCE : terme emprunté à Emile Benveniste qui l'entendait comme " propriété de signifier " (Sémiologie de la langue in Problèmes de linguistique générale, tome 2, p. 51). Ici, sur le plan poétique et non seulement linguistique, modes de signifier, notamment par la prosodie et le rythme.

SIGNIFIANT non plus l'image acoustique opposé au concept mais le participe présent du verbe " signifier ". Cf. SP, p. 514.

SUBJECTIVATION (INDIVIDUATION) : procès par lequel un individu se singularise de façon significative par rapport aux autres individus. Poétiquement, l'individuation est le double procès de singularisation de soi et de son discours, de spécification du je par son discours, de spécification du discours par le je. Cette subjectivation poétique implique le passage de l'individu empirique à la fonction de sujet en lui, qui seule compte en art. Une oeuvre n'est pas le reflet du vécu, des expériences d'une personne. L'individu (le moi) correspond ici à ce que Proust appelait le moi social et le sujet (le je) au moi profond. Chaque poème implique donc son sujet, l'invention et la transformation d'un sujet. On peut étendre cette notion de subjectivité à l'art (peinture, musique, sculpture...)

SYSTEME (d'une oeuvre) : s'oppose à structure. Le système est " un ensemble organisé par des unités qui sont interdépendantes " (TRVP, p. 37) et l'oeuvre se donne comme " totalité caractérisée par ses propres transformations, qui dépendent de ses lois internes... Le système se révèle au lecteur-auditeur comme une incessante structuration. " (PP1, p. 175)

Bibliographie

OUVRAGES DE HENRI MESCHONNIC (CITES OU CONSULTES) :

- Pour la poétique (3 vol.), Paris, coll. Le Chemin, Gallimard, 1970-1973. (PP...)

- Le Signe et le poème, Paris, coll. Le Chemin, Gallimard, 1975. (SP)

- Ecrire Hugo (2 vol.), Paris, coll. Le Chemin, Gallimard, 1977. (EH...)

- Poésie sans Réponse, Paris, coll. Le Chemin, Gallimard, 1978. (PSR)

- Jona et le signifiant errant, Paris, coll. Le Chemin, Gallimard, 1981. (JSE)

- Critique du Rythme, Paris, Verdier, 1982. (CR)

- Les Etats de la poétique, Paris, coll. Ecriture, P. U. F, 1985. (EP)

- Critique de la Théorie critique, langage et histoire, (collectif, dir. Henri Meschonnic), P.U. de Vincennes, 1985. (CTC)

- " Mallarmé au-delà du silence ", préface à Ecrits sur le livre (choix de textes), Paris, Editions de l'Eclat, 1985. (MAS)

- Modernité Modernité, Paris, Verdier, 1988. (MM)

- La Rime et la vie, Paris, Verdier, 1989. (RV)

- Le Langage Heidegger, Paris, coll. Ecriture, P. U. F, 1990. (LLH)

- Des Mots et des mondes - dictionnaires, encyclopédies, grammaires, nomenclatures, Paris, coll. Brèves Littérature, Hatier, 1991. (DMDM)

- Politique du Rythme, politique du sujet, Paris, Verdier, 1995. (PR, PS)

- " Penser Humboldt aujourd'hui " in La pensée dans la langue, dir. Henri Meschonnic, coll. La Philosophie hors de soi, P.U. De Vincennes, 1995. (PHA)

- " Prosodie, poème du poème " in Histoire et grammaire du sens (avec S. Auroux & S. Delesalle), Paris, Armand Colin / Masson, 1996. (Pros.)

- De la Langue française, Paris, 1997. (DLF)

- " Le Théâtre dans la voix " in Penser la voix, dir. Gérard Dessons, La Licorne, n°41, U.F.R Langues et Littérature de Poitiers, 1997. (TV)

DESSONS (Gérard) & MESCHONNIC (Henri) : Traité du Rythme - Des vers et des proses, Paris, Dunod, mai 1998. (TRVP).

REFERENCES COMPLEMENTAIRES

- ARISTOTE : Rhétorique, trad. C-E. Ruelle & P. Vanhemelryrck, préf. Michel Meyer, Paris, Le Livre de Poche, 1991.

- BARTHES (Roland) : " L'Ancienne rhétorique - aide-mémoire " in Recherches rhétoriques, Communications, n°16, Seuil, 1970, pp. 172-229.

-DESBORDES (Françoise) : " La Rhétorique " in Histoire des idées linguistiques, dir. Sylvain Auroux, tome 1, éd. Mardaga, Liège / Bruxelles, 1991, pp. 163-185.

- MOLINIE (Georges) : Dictionnaire de rhétorique, Paris, Le Livre de poche, 1992.

- MORIER (Henri) : Dictionnaire de poétique et de rhétorique, Paris, P.U.F, (1ère éd. 1961), 1989.

- OLBRECHTS-TYTECA (Lucie) & PERELMAN (Chaïm) : Traité de l'Argumentation, Editions de l'université de Bruxelles, 1992.

- PERELMAN (Chaïm) : Rhétoriques, Editions de l'université de Bruxelles, 1989.